Hubert BABEAU, devenir missionnaire dans le monde
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Monsieur HUBERT BABEAU, ancien professeur d’Histoire et de Géographie à Saint Joseph-Les Feuillants, retraité en mission (Afrique, Madagascar, Vietnam)
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« Ne faisant pas la rentrée scolaire 1995, car prenant ma retraite de professeur du Lycée des Feuillants, j’étais assez disponible… et diverses occurrences (surtout l’initiative d’un ancien père abbé« général » bénédictin) m’ont conduit à l’A.I.M. (Alliance Inter-Monastères). L’A.I.M. est un organisme « romain » créé dans la perspective de « l’ Évangélisation des Peuples » par la Confédération Bénédictine; les objectifs de cet organisme (francophone,anglophone, hispanophone, …) sont d’assurer les formations théologiques,culturelles, spirituelles, liturgiques, … des moines et des moniales d’outre-mer et de promouvoir l’entraide inter-monastères, le financement de l’A.I.M. repose sur des dons, mais surtout sur les cotisations-participations des monastères « riches » (USA,Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, G.B., France,…).
Dans le cadre de la formation des religieux et religieuses des monastères contemplatifs du « Tiers-Monde », l’A.I.M. (son secrétariat le plus important est installé chez les Bénédictines de Vanves) distribue des bourses d’études et de stages en Europe, fournit des livres,documents et des photocopieuses et ordinateurs, propose des enseignements,...Je suis l’un des professeurs qui tournent (Histoire biblique, Histoire de l’ Église), mais seulement dans la zone francophone. Ces missions d’enseignement, (qui durent de 4 à 8 semaines
avec 2 à 3 heures de cours par jour) constituent une expérience étonnante et
difficile à décrire... Elle n’est pas, ou très peu touristique, les Communautés
contemplatives sont rarement dans des villes, mais plus ou moins éloignées
« en brousse » … d’où l’intéressante découverte de milieux
géographiques : les savanes herbeuses ou arborées de l’Afrique
« profonde », la savane sableuse à baobabs de l’arrière-pays de
Dakar, les lagunes et leurs villages « lacustres » de la Côte des
Esclaves (Bénin, Togo), les platitudes rouges-ferralitiques burkinabées, les
montagnes et hauts plateaux malgaches, …
Expérience géographique des paysages, mais surtout des hommes
qui les habitent (et celle-ci est très marquante) : multiples observations
et rencontres faites au cours de déplacements, marches à pied, traversées de
villages et de campements,… C’est alors précieux d’avoir un accompagnateur, qui
traduit et explique."
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Cette expérience missionnaire est aussi (et surtout)spirituelle par la participation quotidienne à la grande prière monastique(visible ferveur des offices, très belles et diverses psalmodies, liturgies soignées et priantes,…) et par la découverte de communautés vivantes,fraternelles (insertion dans la clôture chez les moines, nécessairement plus discrète et hors-clôture chez les moniales… mais qui sont très attentives à votre bien-être, votre nourriture, votre santé,…) Cette expérience spirituelle s’enrichit de l’exemple que donnent des chrétiens des villages alentour qui, à tous les âges, viennent chaque jour (très nombreux, les dimanches) assister àdes offices monastiques dans un grand recueillement… (jusqu’à des petits bergers peuls, donc musulmans, assis dans le fond de la petite église cistercienne du Kokoubou, très attentifs…)Cette expérience a aussi une dimension historique :constater en direct l’expansion du monachisme (mesure et équilibre de la Règle de Saint Benoit) et la formidable catholicité du Christianisme ; on sen tparfois les fibres de son être comme traversées, et vibrantes de tout ce dynamisme chrétien… cette nouveauté chrétienne pour les ethnies africaines et malgaches… ce mouvement historique fondamental chrétien qui, chaque jour,s’exprime par la diversité possible de ses célébrations, prières chantées,liturgies toutes simples ou solennelles, … (certaines processions féminines dansées, sont émouvantes).
Expérience à vivre modestement et tout à la fois expérience indescriptible, car on est temporairement immergé, (pas assez brièvement, pour ne faire que passer, mais pas assez longuement pour commencer à comprendre),dans un monde auquel on se sent étranger, (conscience d’ignorer les données fondamentales des vies africaines et malgaches) et pourtant très impliqué(conscience d’être attendu et généreusement accueilli avec des « Bonne arrivée » ! lancés avec de magnifiques sourires.)
Dans cette situation d’étrangeté, je me suis souvent éclairé par les quelques « européens » fondateurs-fondatrices de ces communautés bénédictines et qui y vivent encore; ils sont peu nombreux (…demoins en moins ! certains sont morts, plusieurs sont revenus dans leurs monastères français d’origine). Ils sont admirables, car ils ont su construire,établir, et ensuite laisser leurs responsabilités et leurs charges à des Africains et Malgaches, qui conduisent différemment. Âgés, humbles, ils vieillissent en continuant à se donner à leurs communautés. Ils ou elles, ont vécu la grande aventure monastique missionnaire, (un véritable témoignage prophétique) et sont particulièrement intéressants à écouter, (on se comprend très vite) et ils répondent à des questions que, par crainte d’indiscrétion et d’irrespect, je n’ose pas poser à des moines et moniales africaines et malgaches.
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Leurs réponses qui ne masquent pas des
difficultés matérielles et spirituelles, sont toujours dans le registre d’une
formidable espérance … ces communautés contemplatives (vocation religieuse
singulière, radicale) sont bien vivantes, priantes, chantantes, … c’est donné
et irréversible, comme une Genèse ! »
« De la racine à la feuille, la sève monte et ne s’arrête
jamais » (proverbe africain), « Je suis la vigne, vous êtes les
sarments,… ». (Jean 15, 5).
Illustrations : Hubert BABEAU en Mai 2010, à la veille de partir au
Congo-Brazzaville, ma dernière mission programmée après 15 ans de mission.
Christ en gloire - Monastère Saint-Jean-Baptiste de Keur Guilaye (Sénégal)
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